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Une Commanderie des Templiers dans les Yvelines

L’Europe de la fin du XIe siècle est une Europe chrétienne. Elle se déchire par des conflits pour le gain de tel ou tel territoire, mais elle reste liée par son adoration de Dieu et le respect des règles éditées par Rome. C’est dans ce respect et ce culte farouche que pour la première fois Rome va unir des chevaliers venant de tous les territoires de la chrétienté dans une cause commune : combattre en Terre-Sainte. Cette guerre, plus connue sous le nom de croisade, va voir des milliers de chevaliers partir au combat, des armées sont levées, des moines sont appelés à accompagner ces soldats par la prière. Cependant, il n’existe encore aucun ordre religieux permettant à des moines de prendre les armes et de combattre pour la défense de leur foi. Avec cette première croisade, cela va changer. Des ordres religieux sont créés pour permettre à des hommes voulant dévouer leur vie à Dieu de prendre les armes pour défendre leur foi. L'un de ces ordres va jouer un rôle de premier plan dans les différentes croisades lancées à travers les siècles : l’Ordre des Pauvres Chevaliers du Christ et du Temple de Salomon plus connu sous le nom d’Ordre des Templiers.


La création de l’Ordre du Temple


Le 25 novembre 1095, le pape Urbain II redoute la menace qui pèse sur les chrétiens résidant à Jérusalem et ses alentours. Lors du concile de Clermont, il appelle tous les chevaliers chrétiens à partir pour la Terre Sainte et repousser les troupes turques qui menacent l’empire chrétien d’Orient. Cet appel au combat marque le début de la première croisade qui dura quatre années. Plus de 60 000 combattants partent pour la Terre Saint avec pour mission la reconquête de Jérusalem. Leur principale objectif étant de protéger tous les sites sacrés de la chrétienté tels que le Saint-Sépulcre. La première croisade est une réussite pour les armées chrétiennes, Jérusalem est conquise le 15 juillet 1099, des colonies sont établies autour de la ville pour renforcer la présence chrétienne en Terre sainte : c’est la création des États latins d’Orient.


A la fin de ces premiers affrontements, une partie des chevaliers chrétiens repartent en Europe. Les états latin d'Orient perdent bon nombre de leurs défenseurs, plusieurs ordres religieux sont alors créés pour assurer la sécurité des pèlerins venus se recueillir dans les principaux lieux saints. En 1113, l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, plus connu sous le nom d’Ordre de l'Hôpital, est créé pour s’occuper de tous les pèlerins venus à Jérusalem. Ce sont des moines-chevaliers comme le furent les Templiers. Quelques années auparavant, l’Ordre du Saint-Sépulcre est fondé à la suite de la prise de Jérusalem en 1099 pour préserver et défendre le tombeau du Christ ( le Saint-Sépulcre). Dans un but similaire, Hugues de Payns et Godefroy de Saint-Omer veulent eux aussi fonder un nouvel ordre religieux, leur objectif étant de défendre les États latins et les pèlerins venus prier et se recueillir. Ils voulaient recruter des chevaliers cherchant à liés une vie chevaleresque de combat à une vie monastique dédiée à leurs foi. En 1118, le roi de Jérusalem Baudoin II donne son autorisation pour la création de ce nouvel ordre, et envoi ces futurs membres s’établir sur l’emplacement du temple de Salomon. Ce n’est que deux ans plus tard, le 23 janvier 1120 que le concile de Naplouse reconnaît officiellement l’existence de la milice des Pauvres Chevaliers du Christ et du Temple de Salomon.


Le 13 janvier 1129, le concile de Troyes présente les règles de vie de l’ordre du Temple. Il est également reconnu comme un ordre militaire et religieux. Bernard de Clairvaux, futur Saint-Bernard de Clairvaux, défend et soutient les Templiers dans leur démarche de reconnaissance auprès de l’Église. Il va jusqu’à prêter sa plume pour rédiger leurs règles de vie. Elles sont composées de 71 articles qui décryptent la vie du Templier et ses devoirs. Le 29 mars 1139, le pape Innocent II promulgue une bulle papale “Omne datum optimum” qui reconnaît officiellement les règles proposées en 1129 et proclame la création officielle de l’ordre du temple. Ils peuvent jouir d’une autonomie sans pareil, ils sont directement placés sous les ordres du pape. Ils sont exempts de la justice épiscopale. Enfin, ils peuvent conserver tous les biens accumulés lors de leur campagne en Terre Sainte. Ces moines-soldats vont devenir le bras armé des États latins d’Orient pour la défense de Jérusalem et ces territoires. Les Hospitaliers et les Templiers forment une armée permanente présente en Terre Sainte. Pour pouvoir établir et défendre au mieux les territoires qui leur sont assignés, ils vont débuter l'édification de forteresses (Château de Gastriá, Chypre) et de garnisons pour leurs hommes. Ces lieux de défense et de vie vont s’exporter jusqu’en Europe pour loger et entraîner les futures recrues templières qui partiront combattre pour la Terre Sainte. Ces maisons templières européennes sont nommées Commanderie. On en compte environ 3 000 en Europe et plus de 700 en France.


La chapelle de la commanderie de la Villedieu

La commanderie de la Villedieu : création et organisation


Telle une armée en ordre de bataille, il existe une hiérarchie au sein de l’ordre du temple. L’autorité est représentée par un grand maître. Que ce soit en province ou dans la cité de Jérusalem, chaque décision était débattue lors d'un chapitre où des hauts dignitaires de l’ordre sont également présents. Chaque commanderie était composée de chevaliers, de chanoines, de sergents et de personnes participant à l’entretien matériel des lieux.


La première commanderie templière est fondée en 1127 par l'un des fondateurs de l’ordre Hugues de Payns. Elle est située aux alentours de la ville de Troyes. Nous n’avons pas de date précise quant à la fondation de la Commanderie de la Villedieu. Nous pouvons estimer l’acquisition du domaine par les templiers entre l’année 1150 et l’année 1180.

La commanderie est composée de plusieurs bâtiments à usage divers. Elle a la même structure que toutes les autres commanderies d‘Europe. Tous les bâtiments qui sont édifiés, le sont autour d'une cour centrale. Comme c’est le cas à la Villedieu, il peut y avoir une mare pour permettre d'abreuver les animaux. Étant un ordre militaire mais surtout religieux, une commanderie est forcément bâti autour d'une chapelle. Leur journée comme tout moine reclus dans son monastère, sont en grande partie consacrés à la prière et au recueillement. On compte environ une dizaine de temps consacrés à la prière. Un second bâtiment est consacré au “commandeur”, de nos jours à la Villedieu il s’agit du bâtiment des Bièvres. Le commandeur, qui était chargé de dirigée tous les Templiers du site, y était logé. Les Templiers devaient s'entraîner régulièrement au maniement des armes, ils avaient une salle dédiée à l’entrainement aux techniques de combats (aujourd’hui appelée bâtiment des gardes). Ce lieu pouvait également servir de salle d’armes. Enfin, un dernier édifice était consacré aux travaux agricoles, on y entreposait les charrues, ainsi que les différentes récoltes effectuées durant l’année (de nos jours appelé bâtiment de Chevreuse). On y entreposait également les montures des Templiers qui étaient entraînés aux combats à cheval. Après avoir été entraînés et formés, les soldats du temple pouvaient partir pour la Terre Sainte et le guerre.



Le batiment des gardes

La disparition des Templiers


En tout, les forces templières participeront à huit croisades en Terre Sainte. Les croisées, comme ce fut le cas en 1099, rencontreront de grandes victoires. La prise de Saint Jean d’Acre en 1191 par exemple fait partie de ces succès. Cette cité deviendra par la suite l’un des symboles de la chute de l'ordre du temple

en Terre Sainte. Malgré tout, après avoir combattu pendant deux cents ans, les armées chrétiennes quittent peu à peu la Terre Sainte et laisse le contrôle des différentes cités aux armées musulmanes. Les dissensions entre les différents chefs chrétiens ainsi que les attaques musulmanes ont fragilisé les forces chrétiennes en Orient. Une dernière grande bataille a lieu en 1291 dans la cité d’Acre. Les armées du chef mamelouk Khalil vont tenter de reconquérir la ville. Ils y parviennent le 18 mai 1291. Avec cette défaite, les forces chrétiennes perdent la dernière cité importante encore en leur possession en Terre Sainte. Elle marque également le départ des dernières forces templières d’Orient pour retourner en Europe.

Les Templiers n’ayant plus la possibilité de partir combattre en Orient, demeure en Europe. Ils restent très présents et vont remplir des fonctions bien différentes de celles qu'ils occupaient auparavant. L’ordre du Temple ne fonctionne pas comme une armée, il n’est pas subventionné par un roi ou un prince unique. Il ne doit sa survie qu’aux prises de guerre et aux dons faits par des seigneurs ou les gens du peuple. Certaines terres leur sont offertes pour moissonner et se nourrir à leur faim. Elles vont aussi être utilisé pour construire leur commanderie. Ils bénéficient donc d’une fortune conséquente. Ils vont alors se transformer en bailleur de fonds pour certains grands monarques européens. En parallèle, ils continuent leur vie monastique et viennent en aide aux pauvres dans les cités et les terres autour de leur commanderie. Cependant après quinze années de service en Europe depuis leur départ d'Acre, l’ordre est fortement menacé.

En 1307, le roi de France Philippe le Bel, un des monarques ayant reçu de l’argent de l’ordre du Temple, tente de les renverser. Ils les accusent d’actes hérétiques selon certaines rumeurs parvenues à ses oreilles. Il ordonne l’arrestation de tous les Templiers présents sur le territoire par des seigneurs français. Les templiers de la commanderie de la Villedieu dont leur chef Raoul de Taverny font partie des hommes en état d’arrestation.  Les soldats de l’ordre sont torturés, jugés pour avoir pratiqué de potentiels actes hérétiques qu’ils auraient commis. Philippe le bel obtient du pape Clément V l'acte de suppression de l’ordre durant le concile de Vienne en 1312. Le 03 avril 1312, une bulle pontificale “Vox in excelso” officialise la dissolution de l'ordre du Temple. Le dernier grand-maître Jacques de Molay est brûlé vif le 19 mars 1314, sept ans après avoir été arrêté.

Après la chute du de l'ordre du temple, la commanderie de la Villedieu est transmise à la commanderie Hospitalière de Louviers-Vaumion. De nombreux mythes et légendes entourent encore cette arrestation et cette action force du roi de France.  Beaucoup ont pensé que ces arrestations étaient liées à la quête d’un trésor caché au sein de la commanderie templière de Paris que le roi Philippe le Bel aurait voulu acquérir.

                                                      

La commanderie à travers les siècles


Dès la dissolution de l’ordre du Temple, l’histoire de la commanderie de la Villedieu d’Élancourt avec les Templiers se termine. Cependant, les commanderies européennes ne sont pas détruites, elles vont continuer de vivre pendant plusieurs siècles et certaines jusqu’à nos jours.

La commanderie d’Élancourt reste sous l’autorité des Hospitaliers pendant plus de cent cinquante ans. Avec la guerre de Cent Ans et les ravages liés à ce conflit, la commanderie est rattachée à l'Hôpital Saint-Jean de Latran situé à Paris qui appartient à l’ordre des Hospitaliers. Ce n'est qu’en 1503 que la commanderie se détache de l’ordre des Hospitaliers pour être louée à des fermiers. Elle reste une propriété de l’Église utilisé à des fins agricoles jusqu’à la Révolution française. Elle est réquisitionnée et nationalisée durant la Révolution comme tous les biens de l'Eglise. La ferme est vendue en tant que bien national à des familles de fermiers. Aux alentours de l’année 1860, une distillerie y est installée. En 1926, la chapelle de la Villedieu est inscrite à l'inventaire supplémentaire des Monuments historiques. Durant la totalité du XIXe et XXe siècle, la ferme de la commanderie de la Villedieu est achetée et vendue par différentes familles de fermiers tour à tour. Ce n'est qu’en 1963 que le domaine n’est plus utilisé à des fins agricoles. Elle est racheté par un promoteur immobilier avec comme objectif d’être détruite pour pouvoir construire une tour de 15 étages. Un comité de défense est constitué pour préserver le site. Le domaine et la commanderie sont rachetés en 1972 par l’Établissement public d'aménagement. Une première campagne de restauration du site a lieu de 1971 à 1978. Par la suite, un centre culturel est ouvert au sein de la commanderie en 1981. Le site devient propriété de l'agglomération de Saint-Quentin en Yvelines en 2002. Une seconde restauration débute dans la chapelle et au bâtiment de Bièvres de 2008 à 2012. En 2018, la commanderie devient un espace culturel qui accueille de la danse, des expositions ainsi que des spectacles.


L’ancienne maison templière devenue cité numérique


Un nouveau projet est mis en place au sein de la Commanderie par l’agglomération de Saint-Quentin en Yvelines en 2024 : une cité numérique. Un musée numérique est installé dans le bâtiment des gardes ainsi qu’un Fab-Lab (laboratoire de fabrication composé d'un ensemble de robot et de machine numérique). Il est dorénavant possible au sein de la Commanderie de voir des objets d’arts ainsi que des collections venant de quelques musées français et européens. En utilisant un grand écran et une tablette, vous pouvez interagir et suivre des conférences sur divers thèmes et diverses collections. Le Fab-Lab quand à lui a pour objectif d'apprendre à se servir de ressources numériques et modernes telles que de la robotique, des brodeuses numériques, des machines à floquer ou encore des imprimantes 3D.

La commanderie est devenue un lieu de découverte, mais également d’innovation avec des projets mêlant numérique et culture permettant l’accès à des collections venant de toutes l’Europe et des plus prestigieux musées français.


Sources et bibliographie : 


  • Exposition sur la Commanderie des Templiers de la Villedieu d‘Elancourt, Agglomération de Saint Quentin en Yvelines, Musée de la ville de Saint Quentin en Yvelines, Archives départementales des Yvelines.

  • BARBER Malcolm, Le procès des Templiers, Taillandier, 2007, 493 pages.

  • CHARPENTIER John, L'ordre des templiers, Taillandier, 2021, 368 pages. 

  • DEMURGER Alain, Les Templiers, une chevalerie moderne au Moyen-Age, Points, 2014, 720 pages

  • FRANKOPAN Peter, La première croisade : l'Appel de l’Orient, Tempus Perrin, 2021, 464 pages.

  • GROUSSET René, L’épopée des croisades, Tempus Perrin, 2017, 352 pages.



 
 
 

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